Par Vincent Ouellette-Destroismaisons
Les monnaies locales sont souvent décrites, avec raison, comme un outil fantastique pour améliorer l’économie circulaire sur un territoire. Lorsque qu’un porte-parole d’une monnaie locale devra présenter son projet au public ou encore aux médias, il utilisera sans doute l’exemple assez classique d’un cercle. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait lorsque j’ai expliqué ce qu’était une monnaie locale dans le premier vidéo de présentation de notre projet.
Le client paie un boulanger en monnaie locale, le boulanger reçoit l’argent et paie son charcutier en monnaie locale, le charcutier paie le maraicher, le maraicher paie son coiffeur et le coiffeur paie le boulanger. La boucle est bouclée et le cercle est complétée.
Ceci étant dit, même si ce genre d’exemple est important pour parler de circulation facile et rapide de la monnaie dans la communauté, même si ce genre d’exemple permet aussi de faire comprendre que l’on gagne à s’entraider, pour un chargé de projet qui devra analyser les flux monétaires, ce genre d’exemple est assez, voire complètement trop simpliste…
La théorie de l’économie circulaire parfaite déployée par une monnaie locale ne se colle pas à notre réalité économique pour différentes raisons. La première est que notre région ne produit pas grande chose quand on y pense. Nous avons un boulanger qui cultive ses propres grains, mais la norme est que le boulanger importe sa farine, que le charcutier importe une partie de sa viande et ses aromates, que le maraicher importe ses semences et que le coiffeur importe ses ciseaux, sa crème, sa mousse, etc.
La monnaie locale peut certainement aider à créer du maillage. Le charcutier pourrait prendre une partie de sa viande dans le coin, le maraicher pourrait prendre du fumier d’un éleveur et le coiffeur pourrait peut-être prendre du shampoing en barre fait localement et c’est un le but avoué de la monnaie locale. Mais certains produits seront certainement inaccessibles pour les commerçants participants… Ce qui amène au deuxième problème… la gestion des flux !
La monnaie locale peut certainement aider à créer du maillage. Le charcutier pourrait prendre une partie de sa viande dans le coin, le maraicher pourrait prendre du fumier d’un éleveur et le coiffeur pourrait peut-être prendre du shampoing en barre fait localement et c’est un le but avoué de la monnaie locale. Mais certains produits seront certainement inaccessibles pour les commerçants participants… Ce qui amène au deuxième problème… la gestion des flux !
Dans l’exemple du conte de la vieille dame tiré du livre de Philippe Derudder, une dame donne un billet de 50$ à un hôtel qui le donne à un boulanger, qui le donne à un charcutier, bref, vous connaissez la chanson. Dans cet exemple, comme dans celui d’un cercle parfait, chaque personne reçoit un montant équivalent. Or, l’exemple de Charlevoix nous a démontré que certains commerces recevaient 3000 chouennes par mois et certains en recevait 30 ! Donc 100 fois moins ! Ces flux de trésorerie sont très difficiles à prévoir. En ce sens, une monnaie locale qui veut être un projet structurant pour une région doit s’assurer qu’un commerce n’est pas pris avec sa monnaie locale. Il faut donc mettre en place des politiques de reconversion de la monnaie…
La reconversion consiste finalement à sortir la monnaie du réseau, donc la sortir du cercle parfait, de cette logique théoriquement sans faille du commerce circulaire. Ajouter des politiques de reconversions favorables en début de projet permet de mettre sur pied un réseau fort et varié. Ça fait en sorte que les entreprises se sentent plus confiantes d’embarquer dans le projet et la confiance est le socle d’une monnaie.
Tisser un projet de monnaie locale est comme tisser une toile d’araignée. Certains commerces se retrouveront indéniablement plus au centre de la toile avec plein de fournisseurs autour d’eux. Les restaurants sont au centre de la toile, les épiceries également. Il leur est facile de trouver une myriade de produits locaux à mettre dans les assiettes ou sur les étagères. Mais plus on s’éloigne du centre, moins c’est évident de trouver des débouchés pour la monnaie. Un maraicher par exemple est relativement limité, mais aura quelques débouchés ici et là comme du fumier, du compost, des arbres en pépinières, etc. Ultimement, certains se retrouveront au bout du bout de la toile et seront ancrés directement avec l’extérieur de la toile. Une station-service, un club de cinéma, une quincaillerie, une pépinière, un garagiste, une pharmacie, tous ces commerces sont des services absolument essentiels pour notre région. À mon humble avis, ils doivent être intégré au projet afin d’élargir et d’étendre au maximum cette toile qu’est la Petite-monnaie.
Soyons clair, la Petite-monnaie tout comme toute monnaie locale souhaite augmenter l'économie circulaire. Le cercle n'est pas en contradiction avec la toile. Ceci étant dit, notre projet comprends bien les limites de l'économie circulaire et accepte toute entreprise dans le but de maximiser les actions qu'un citoyen peut poser en monnaie locale.
Nous pouvons même penser que, plus la toile est tissée serrée, plus le système permet aux consommateurs de faire les dépenses de tous les jours, plus nous nous approcherons de la possibilité de payer une partie des salaires en monnaies locales, de payer une partie des taxes en monnaie locale, bref d'ouvrir le champ des possibles, ce qui aura pour effet ultimement d'augmenter l'économie circulaire dans notre région.
Et vous, qu'en pensez-vous ?